Olivier Alexandre, La Tech. Quand la Silicon Valley refait le monde. Paris : Seuil, 2023. 560 p.

Le 15 mai prochain, la Bibliothèque nationale de France reçoit Olivier Alexandre, lauréat 2023 du prix lycéen "Lire l'économie" pour La Tech. Quand la Silicon Valley refait le monde (Éditions du Seuil, 2023). A cette occasion, l’ouvrage sera mis en avant en salle D pendant un mois (bibliothèque tous publics, Haut-de-jardin). 

Docteur en sociologie et chargé de recherche au CNRS au Centre Internet et Société, Olivier Alexandre s’intéresse d’abord à la sociologie du cinéma français avant de mener l’enquête dans la Silicon Valley de 2015 à 2022. De cette immersion, il tire son dernier ouvrage qui met à jour les logiques sociales, économiques, technologiques et culturelles à l’œuvre dans cet écosystème de 12 000 entreprises au cœur de l’économie mondiale numérique.

Cet ouvrage peut se lire de multiples manières. C’est d’abord une cartographie sociale de la Silicon Valley. Large territoire de 200 km² localisé au nord de la Californie, la vallée, célèbre pour son importante concentration d’entreprises liées aux nouvelles technologies, est en réalité un espace enclavé, embouteillé, aux services publics déficients et à la qualité de vie bien moins attractive que celle de la dynamique ville de San Francisco. Au vu des hauts loyers, la proximité avec les acteurs de la tech se paye au prix fort.

Imprégné de sociologie des organisations, l’ouvrage explicite les mécanismes de financement et de développement d’entreprises pour qui le changement est vu comme souhaitable et inévitable. À la routine bureaucratique des grosses organisations est opposée la recherche constante d’évolution et d’accroissement, avec la difficulté paradoxale de réussir à maintenir son efficacité et son identité au-delà des innovations.

Enfin, c’est une analyse minutieuse de l’esprit de la vallée qui nous est donnée à lire. Dans la droite ligne d’Howard Becker et de ses travaux interactionnistes, Olivier Alexandre y décrit un monde de joueurs en perpétuel mouvement, à la recherche de la prochaine idée pour « rendre le monde meilleur » (p.27). Nourris des success stories de Steve Job, Jeff Bezos ou encore Elon Musk ainsi que des principes de liberté individuelle, d’universalisation de la logique de marché et de valorisation du progrès technologique, les techies ont des rituels et des sociabilités bien établis, le traditionnel festival du Burning Man en étant l’incarnation. Au final, les règles sont nombreuses pour qui souhaite rejoindre le jeu, à l’opposé de l’image de transparence et d’accessibilité que véhicule la Silicon Valley. Surtout, certains gagnent mais beaucoup perdent : loin du gigantisme des GAFAM, le territoire est peuplé de petites structures à la durée de vie éphémère.

Ouvrage disponible en salle D (BnF, Site François-Mitterrand, Bibliothèque Haut-de-Jardin).

Claude Alphandéry (1922-2024) vient de disparaître à 101 ans. Résistant puis, au sortir de la guerre, haut fonctionnaire et conseiller économique auprès des Nations Unis, il participe à la création de la Banque de construction et des travaux publics  qu’il préside. À la fin des années 1980, il devient acteur et théoricien de l’Économie Sociale et Solidaire (ESS). Il crée alors France active, groupement d’associations qui redistribue des financements  publics ou privés vers des entreprises génératrices d’utilité sociale et qui ne parviennent pas à obtenir de prêt par les circuits bancaires habituels. Structure d’accompagnement, France active est caractéristique de la démarche, pragmatique et engagée, de Claude Alphandéry. Il contribue ainsi à définir la finance solidaire et à la promouvoir avec succès puisque la part de celle-ci ne cesse de croître et représenterait en 2023, en France, 26,3 milliards d’euros. Il est chargé à partir de 1991 du Conseil national de l’insertion par l’activité économique (CNIAE). Éternel optimiste, Claude Alphandéry est aussi un visionnaire et un passeur d’idées. Comme Stéphane Hessel, il s’indignait contre un système inique mais en mettant en œuvre des solutions à partir de sa connaissance de l’univers de la banque et des outils de la finance, en défendant l’idée qu'il ne faut pas partir d'en haut mais de ce qui se passe à la base, dans les territoires.

Bibliographie

Claude Alphandéry. « « Panser la société actuelle pour penser celle de demain » », propos recueillis par Ahmed Silem, Bérangère L. Szostak. Marché et organisations, 2021/3 (n° 42), p. 117-128. DOI : 10.3917/maorg.042.0117. Disponible en ligne sur Cairn : https://www.cairn.info/revue-marche-et-organisations-2021-3-page-117.htm

«L'économie sociale et solidaire, vecteur du convivialisme ». Revue du MAUSS, 2014/1 (n°43), p.115-116. https://doi.org/10.3917/rdm.043.0115. Disponible en ligne sur Cairn : https://www.cairn.info/revue-du-mauss-2014-1-page-115.htm.

« Fonctions, résonance et évolution du rôle de la monnaie: Émergence d'une monnaie solidaire », Che vuoi, 2005/2 (n°24), p.29- 36. https://doi.org/10.3917/chev.024.0029. Disponible en ligne sur Cairn : https://www.cairn.info/revue-che-vuoi-1-2005-2-page-29.htm

De la galère à l’entreprise : pour de nouvelles formes de financement solidaire, l'expérience de France active. Paris : Éd. Charles Léopold Mayer, 2002.

Conseil national de l'insertion par l'activité économique. Insertion sociale et économie : rapport d'étape [réd par] Claude Alphandéry. Paris : La Documentation française, 1995.

Ministère de la solidarité, de la santé et de la protection sociale ; Ministère du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle. Les Structures d'insertion par l'économique : rapport rédigé par Claude Alphandéry et Laurence Vagnier. Paris : La Documentation française, 1990.

 Les Comptes de la puissance : histoire de la comptabilité nationale et du Plan : racontée par Claude Alphandéry, Henri Aujac, Jean Bénard... Entretiens recueillis par François Fourquet. Paris : Recherches, 1980.

Les prêts hypothécaires et leur marché. Paris : Presses universitaires de France, 1968.

Pour une politique du logement. Paris : Seuil, 1965.

L'Amérique est-elle trop riche ? Paris : Calmann-Lévy, 1960.

Récits autobiographiques

Une famille engagée : secrets et transmission. Paris : Odile Jacob, 2015.

Une si vive résistance : entretien avec Claude Alphandéry. Paris : Rue de l’échiquier, 2011.

Vivre et résister. Paris : Descartes & Cie, 1999.

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Le titre papier est également disponible en salle D et en salle B sur le site François-Mitterrand (75013).