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Asie / Pacifique / Océan Indien

La vie de Jean-Joseph Rabearivelo

J.-J. Rabearivelo, Licence CC

Un très bel article revient en détails sur la récente parution de la biographie par Claire Riffard, responsable de l’équipe « Manuscrits francophones » à l’Institut des textes et manuscrits modernes (ITEM), de Jean-Joseph Rabearivelo (1901-1937), le poète malgache, autodidacte, fulgurant, assez tardivement consacré par le mouvement de la Négritude.

Cette biographie fait suite à l’édition des deux tomes des œuvres complètes de Jean-Joseph Rabearivelo, consultables dans les salles de lecture H et V de la bibliothèque nationale de France. 

C'est aussi l'occasion de feuilleter sur la bibliothèque numérique Gallica l’un de ses plus célèbres recueils : Traduit de la nuit.

"Malcolm de Chazal, le mage de l'île Maurice"

Un très beau documentaire, qui retrace le parcours de Malcolm de Chazal, écrivain et penseur majeur de l’île Maurice ; ou comment rendre sensible, dans les lieux mêmes où il les eut, les révélations de ce penseur des correspondances (émission « Invitation au voyage », diffusée sur Arte le 21 avril 2022).

Ainsi de la révélation de la fleur, qu’il eut dans le jardin botanique de Curepipe, et qu’il décrit en ces termes dans son Autobiographie spirituelle : « Désormais, alors que je n’étais rien pour les hommes, pour la fleur J’ÉTAIS QUELQU’UN, puisque la fleur prenait compte de moi. C’est alors que tout s’éclaire. Le paysage à Maurice n’était plus étriqué, seuls les hommes l’étaient. Une nouvelle perspective s’ouvrait devant moi ».

Une excellente occasion de redécouvrir son œuvre en salle H, à la cote IND84 CHAZ.

Hommage à Déwé Epery Gorodey (1949-2022)

Déwé Gorodey, femme politique indépendantiste et écrivaine kanake, née le 1er juin 1949 à Ponérihouen (Nouvelle-Calédonie), est morte dimanche 14 août à l'âge de 73 ans.

Après un parcours scolaire à Nouméa, qu’elle poursuit jusqu’au lycée - fait rare à l’époque pour une jeune fille kanake -, elle part faire des études de lettres à Montpellier (1969-1973), où elle se forge une conscience politique, notamment à travers les lectures de Frantz Fanon, d'Albert Memmi et des écrivains de la Négritude.
Lorsqu’elle retourne en Nouvelle-Calédonie pour enseigner le français, en 1974, elle commence à militer dans des groupes de pression anticolonialistes (simultanément dans les Foulards Rouges et le Groupe 1878), ce qui lui vaudra d’être emprisonnée à trois reprises. En 1976, elle participe à la création du Parti de Libération Kanak (le PALIKA), une branche du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS). Son engagement politique prend vite une envergure internationale avec des réunions de lutte, aux côtés d’Aborigènes et de Micronésiens, pour la dénucléarisation du Pacifique, pour les droits des femmes, et pour le Front indépendantiste kanak, qu’elle représente à l’ONU en 1979. Avec le sentiment de manquer dans la population calédonienne d’une base solide, acquise à la lutte indépendantiste et à la défense de la culture kanake, elle s’investit à partir des années 80 dans l’éducation populaire et retourne « dans sa tribu », selon ses propres mots, à Ponérihouen, où elle enseigne dans une École Populaire Kanak (E.P.K.) fondée en 1984.

C’est l’époque où elle publie son premier livre, dont elle a commencé à écrire les poèmes quelques années auparavant, en prison : Sous les cendres des conques. Voici ce qu’elle en dit dans un entretien donné en 1998 :

« La conque, c'est ce grand coquillage qu'on utilise pour appeler le clan, les Kanaks, à la réunion dans la case commune. « Sous les cendres … », c'est ce qui restait des conques, de l'unité kanak, du fait d'être ensemble. Qu'est-ce qui en est resté après les délimitations des territoires et l'institution des réserves ? On est devenu une société fortement éclatée, divisée. Cet éparpillement des clans kanak, cette perte a provoqué l'éclatement de nos valeurs, de notre unité qu'on a retrouvée par la suite dans la lutte pour la libération nationale. J'ai publié le recueil à un moment où cette unité commençait à se retrouver dans la lutte politique. A travers le FLNKS, c'est la première fois que le mouvement d'unité a pris une dimension nationale. C'est à partir des Évènements, en 84, qu'on peut parler d'un nationalisme kanak. »
Extrait d'un Entretien avec Déwé Gorodé, Notre Librairie, n° 134, Littérature de Nouvelle-Calédonie, mai-août 1998, p. 78

Ce recueil intègre de nombreux mots en paicî, la langue de sa région d’origine, entremêlant ainsi à la langue française un mode d’expression kanak. Déwé Gorodey porte en même temps que l’acte de naissance de l’indépendantisme, celui d'une littérature kanake, dans un hymne à la culture océanienne.

De 1988 à 1993, elle réintègre son poste de professeur de français à l’alliance de Do Neva. Puis elle travaille de 1994 à 1996 à l’Agence de Développement de la Culture Kanak (ADCK), avant d’enseigner à nouveau le paicî, entre 1996 et 1997, puis la littérature contemporaine du Pacifique à l’Université de Nouméa, de 1999 à 2001. De 2001 à 2009, elle exerce des fonctions au sein du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, en charge de la culture, de la condition féminine et de la citoyenneté.

Ses recueils de nouvelles (Ûte Mûrûnû, petite fleur de cocotier, 1994 ; L’Agenda, 1996) et ses romans (L’épave, 2005, Graines de pin colonnaire, 2009) interrogent les rapports entre colonisateurs et colonisés, le sort des femmes, les traces laissées par la colonisation, comme l’alcoolisme et l’ébranlement des coutumes. Ses héroïnes et héros kanak sont toutes et tous des témoins de ce déchirement, dont les trajectoires, entre ces deux pôles que sont la Civilisation et la Coutume, esquissent à chaque fois une voie nouvelle, forcément inaboutie, qui teinte ses livres d’un certain pessimisme – qu’elle appelle « lucidité », puisque « le système colonial ne produit pas d’innocents ».

Une présentation de ses oeuvres est disponible en salle H de la Bibliothèque nationale de France.

Crédit photo : Déwé Gorodey en 2016 au festival "Voix vives de Méditerranée", à Sète. CC BY-SA 4.0 / WIKIPEDIA

Boris Gamaleya, une poétique du marronnage

Depuis sa mort à l'été 2019, Boris Gamaleya est à l'honneur et son œuvre célébrée sur l'île de La Réunion, où ses cendres ont été rapatriées à l'automne 2021.
Une décade de lectures et d'expositions a été organisée à Saint Denis de La Réunion à cette occasion et un colloque se prépare pour la fin de cette année sur le thème « Boris Gamaleya, poète indianocéanique de l’univers ».

Qui était cet écrivain exilé ? Un inventeur. L'inventeur du rythme de Vali pour une reine morte, publié à compte d'auteur en 1973, et qui révolutionna la littérature réunionnaise.
Boris Gamaleya a écrit ce grand poème depuis la France, où l'ordonnance Debré l'a contraint à s'installer en 1961, en tant que fonctionnaire réfractaire à la politique de la Métropole. En même temps qu'un chant de déploration, Vali pour une reine morte est l'invention d'une légende et le renouvellement d'une forme de marronnage intellectuel et artistique.

Suivront d'autres grandes oeuvres, comme Le Fanjan des Pensées (1987), Piton la nuit (1992) et Jets d'aile - Vent des origines (2005), pour n'en citer que quelques-unes.

Une biobibliographie complète est accessible sur le site internet dédié à l'auteur.

Boris Gamaleya sur le site île en île

(photo © Thomas C. Spear)