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Le site de ressources et d'information de la BnF sur les métiers du livre

Les Conversations de l'Arsenal #6 (David Cazal / Librairie)

David Cazals

David Cazals est né à Castres le 18 août 1970 et a grandi à Paris. Après des études de lettres à Paris IV-Sorbonne (Maîtrise de Lettres sur l'Humour chez Henri Murger), on le dissuade de s'engager dans les professions du livre! Il exerce alors une foule de métiers différents (audiovisuel, presse écrite, etc...), jusqu'à ce qu'il obtienne des missions dans des maisons d'édition. Il y consacre trois années, avant de goûter au métier de libraire à La Procure. À l'âge de quarante ans, ils décide de se mettre à son compte et rachète la librairie Henri IV en 2010. Ayant été coopté par un confrère, il fait désormais partie du jury du Prix des libraires.

librairie.henri-iv@wanadoo.fr
01 42 72 34 22

Vocabulaire de la librairie

 

Fonds de référence
Est dit « fonds de référence », les titres qui ont dépassé la 1e année d'existence

Label LiR

Stock, rotation de stock

Inventaire

Offices

Retours

Pilon

Diffuseur et Distributeur

Chiffre d'affaires

Marge bénéficiaire nette

Impression à la demande
La machine est encore trop coûteuse pour justifier ce service à la librairie Henri IV

Des librairies à plusieurs niveaux...

Les entreprises de diffusion du livre ont adopté une segmentation des librairies en niveaux de clientèle :
- le 1er niveau : les 700 à 1 300 clients les plus importants (librairies et grandes surfaces culturelles), soit en termes quantitatifs (chiffre d’affaires réalisé avec les éditeurs diffusés), soit en termes qualitatifs (capacité du libraire à « lancer » un titre, travail sur le fonds des éditeurs diffusés, etc.). Ces librairies représentent en moyenne 60 % à 75 % du chiffre d’affaires des diffuseurs, et bénéficient de ce fait de visites plus fréquentes des représentants et des remises commerciales les plus élevées.
- les 700 à 800 hypermarchés, qui bénéficient d’une équipe spécifique de représentants.
- le 2e niveau (4 000 à 12 000 selon les diffuseurs) : les petits points de vente de proximité, les supermarchés et les magasins populaires.
- le 3e niveau : les points de vente très petits, spécialisés ou occasionnels (magasin de bricolage ou de jouets, pharmacie...) qui n’ont pas de compte chez les distributeurs et s’approvisionnent auprès de grossistes ou des plates-formes régionales des distributeurs.

La Charte du Syndicat de la librairie française spécifie que, « pour être professionnel, le commerce de livres doit être directement géré par un libraire. Le libraire a acquis une culture qui lui permet d’avoir des connaissances suffisantes (…). Il se forme aux techniques de gestion commerciale, administrative et financière de l’achat et de la vente du livre (…). La librairie indépendante ne dépend pas d’une société ou d’un groupe financier dont la logique est, par métier, financière (…). L’indépendance est la liberté que possède le dirigeant de librairie de consacrer une partie raisonnable de ce qui pourrait être la marge bénéficiaire nette de son entreprise, à financer : la part de rotation lente du stock qui constitue son fonds de référence, et du personnel en nombre suffisant capable de choisir et de conseiller. »  Source : Wikipedia

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David Cazals, libraire, 15 Boulevard Henri IV, 75004 Paris

À deux pas de la Bibliothèque de l'Arsenal - avec qui elle organise ponctuellement des ventes à l'occasion des diverses manifestations - voici la librairie Henri IV, ancrée depuis plus d'un siècle dans le quartier. En 2010 David Cazals reprend l’enseigne, avec ce slogan dynamique et polysémique : « Le canon à livres », que chacun interprétera à son goût (café, arsenal, Munchausen, etc.). Librairie généraliste, elle propose quelques 12.000 titres sur 70m² : beaux arts, bandes dessinées, ouvrages pratiques, littérature, sciences humaines, droit, économie, histoire, littérature jeunesse, langues, scolaire... Elle offre également un choix de papeterie pour écoliers et pour bureaux. Elle organise des rencontres, débats, dédicaces, qui font d'elle un lieu vivant à la découverte des auteurs.

Racontez-nous s'il vous plaît l'histoire de la librairie Henri IV...

La librairie Henri IV est aussi ancienne que l'immeuble, construit en 1913. Des clients âgés ont connu les anciens libraires, dont il ne reste aucune archive. Il y avait à l'origine deux magasins distincts : une librairie, liée aux écoles, barrée par un comptoir derrière lequel se tenait un libraire en blouse bleue ; et un magasin d'articles de pêche. Dans les années 1980, on a réuni les deux boutiques pour créer une librairie moderne en libre-accès. J'ai repris en 2010 ce bel espace, avec ses boiseries, et poursuivi sa modernisation (informatisation, circulation du public...). Sans en changer le nom, mais avec un slogan : "le canon à livres" - que je voulais sans mièvrerie !

De combien de personnes se compose votre équipe ? Êtes-vous aujourd'hui en bonne situation financière ? Quelle est la part de la papeterie ?

Nous sommes trois : un libraire salarié, un apprenti formé pendant deux ans au métier de libraire et moi-même. La trésorerie se maintient malgré une perte de clientèle suite à la fermeture de la Tour Morland qui rouvrira dans deux ans et attirera de nouveaux flux qu'il nous faudra capter pour combler ce manque. La papeterie apporte un complément de revenus (environ 20 %) pas trop difficile à réaliser, les marges sont meilleures. Même si cela nuit - le parisien étant snob ! - quelque peu à l'« image » de la librairie... C'est aussi un service rendu aux habitants, car les autres papeteries de détail ont disparu.

Parlez-nous du métier de libraire. En quoi consiste-t-il ? Quelles sont ses joies et ses peines ?

Le métier de libraire suit un double mouvement : avoir ce qu'on demande, d'une part ; d'autre part, proposer de l'inattendu. Sur un lieu de passage intense, on est accaparé par la demande. Dans un endroit plus calme comme chez nous, on a plus de temps et de latitude pour fouiller dans les catalogues ou même faire le tri dans les nouveautés. Travailler la proposition est l'un des charmes du métier. C'est le reflet de la personnalité du libraire, de ses passions, de ses curiosités. Si tous les libraires avaient les mêmes livres, ce serait triste ! (Et c'est un peu le cas...). Les plus grandes joies du métier, ce sont les échanges avec les clients, avec chacun son univers singulier, dont les livres sont les caisses de résonance. Avec eux, nous tissons un dialogue unique au fil du temps. L'effet miroir est très important, les gens achètent un livre dans lequel ils se reconnaissent, ou par lequel ils se sentent concernés, c'est parfois leur « face cachée ». J'aime aussi beaucoup, malgré le surcroît de travail, organiser des rencontres, des soirées - particulièrement d'auteurs d'essais, qui ouvrent une fenêtre sur des mondes insoupçonnés, des horizons infinis. Contrairement aux médias, la parole des auteurs en librairie est totalement libre, sans biais. Enfin, il y a le plaisir de partager des livres qu'on aime. Par déformation affective, on considère qu'on les a « bien vendus », même à très peu d'exemplaires !
Les mauvais moments viennent de la rapidité, de la surproduction qui font qu'on peine à choisir, qu'on perd son temps avec des mauvais livres. Beaucoup d'éditeurs ou de critiques plébiscitent l'idée du livre sans avoir bien lu ou travaillé le texte. C'est une course au « jackpot », qui produit un rythme fou, fatigue le libraire et lasse le lecteur. Il y a aussi la solitude du gérant avec ses responsabilités. Ce qui fait qu'on recherche le contact avec d'autres libraires, on participe à un jury littéraire pour rencontrer des confrères, s'épancher, prendre du recul, renouveler ses pratiques. Et puis la concurrence d'internet fausse nos rapports avec la clientèle. Ces plateformes misent tout sur la logistique et promettent des délais de livraison record. Ce qui fait oublier la richesse de notre métier qui consiste à lire beaucoup, pour lui et pour son public : un travail de fourmi parfois déterminant dans l'émergence des nouveaux auteurs que nous défendons avant tout le monde !

Avez-vous recours aux réseaux sociaux ? À quoi vous servent-ils ?

Je m'en sers peu, car j'ai une clientèle locale, des habitués. J'ai cependant une page Facebook : https://www.facebook.com/Librairie-Henri-IV-624118560935953 qui peut donner un certain rayonnement. (Par exemple, si je rédige une notule à propos d'un livre sur Facebook, les éditeurs et les auteurs - eux aussi en manque d'échanges - la voient, ils sont contents).

Quelles sont vos relations avec les institutions (écoles, bibliothèques...) ou les organismes professionnels ?

Je travaille avec l'école Massillon, même si les marchés scolaires sont monopolisés par des centrales spécialisées. Je cherche à établir de bonnes relations avec les professeurs. J'ai peu de relations avec les institutions, répondre aux marchés publics demande du temps et des moyens. L'ancien maire du 4e m'a rendu visite une fois, je lui ai exposé mes difficultés. Le Centre national du livre m'a peu aidé. Je n'ai pas renouvelé le label LiR car les critères d'attribution manquent de clarté. Le Syndicat de la librairie française donne des conseils, notamment juridiques. En revanche, je travaille fructueusement avec des organismes comme Paris Librairies. Les clients y adhèrent généralement pour contrer le tout internet : ce site dispose d'un moteur de recherche qui fait remonter les stocks des libraires, et le client peut le retirer chez l'un d'entre eux. Je l'interroge aussi si je n'ai pas le livre demandé par un client, ainsi je lui conseille un confrère. Cela fait régner un bon esprit.

Quelles sont vos relations avec les éditeurs ?

Excellentes ! Je les vois en mars, au salon du livre, en mai/juin pour des matinées de présentation de la rentrée littéraire, ou à l'occasion de quelques événements dans l'année (rencontres auteurs etc...). Ils me connaissent, savent que nous sommes attentifs à ce qu'ils publient. Concrètement, je travaille régulièrement avec deux éditeurs : Gallimard, pour le salon du livre russe ; First Editions, pour le lancement de certaines nouveautés ; ponctuellement avec par exemple Créaphis, en sociologie/architecture, domaines qui me passionnent. Mais on peut aussi leur téléphoner, le livre est une chaîne d'enthousiasme. On peut se sentir très en phase avec un catalogue. Les relations avec les éditeurs sont de l'ordre de l'affectif, de l'impalpable, du coup de cœur...

Comment les vitrines vous aident-elles dans votre métier ?

Je ne suis pas un grand « décorateur » de vitrine, mais je fais des changements fréquents, les clients le remarquent souvent : par  touches, pour exposer les richesses de nos rayons - puisqu’il s’agit d’une librairie généraliste. Il y a bien sûr des thématiques liées à l’actualité, avec au moins une nouveauté et du fonds. Une vitrine récente sur l’Iran a très bien marché : on a senti une vraie curiosité ! L’Angleterre, plus récemment, a eu moins de succès. En ce moment, un coin de vitrine est consacré à Léonard de Vinci, un autre à Notre Dame, et un à Romain Gary qui entre dans la Pléiade... Les vitrines permettent de voir ce qui marche ou pas : même s’il n’y a pas d’achat, des lecteurs posent des questions… Quand je change les vitrines, j’évite de passer les livres tout de suite en retour : il arrive que l’on me demande un livre qui était en vitrine quinze jours avant.

Un mot de conclusion?

Les librairies indépendantes, comme d'autres commerces d'ailleurs, représentent un patrimoine immatériel par leur façon d' « habiter » un quartier, par les liens qu'ils tissent avec les voisins, la connaissance intime des lieux. La fameux « lien social » qui se fait rare en ville est pour nous une seconde nature ! Même les touristes qui ne parlent pas français sont heureux d'entrer chez nous : c'est tout dire !

Un grand merci, David Cazals, d'avoir répondu à nos questions et de défendre le livre, dans notre quartier!

Propos recueillis par Hélène Séveyrat et Anne-Bérangère Rothenburger, Bibliothèque de l'Arsenal, 12/06/2019

La librairie Henri IV, 15 Bb Henri IV, 75004 Paris : Diaporama

Le Canon à livres (illustration Brigitte Lannaud Levy)

Le canon à livres

La librairie Henri IV, vue extérieure

Vue générale de l'intérieur de la librairie

David Cazals au comptoir de la librairie

David Cazals avec des clientes

David Cazals au comptoir de la librairie

Le rayon papeterie

Au rayon poésie...

Au rayon jeunesse...

David Cazals et Thomas Le Roux partagent un moment de convivialité après la conférence Image nautesdeparis.fr