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Les Conversations de l'Arsenal #5 (L'Ecole de la librairie)

Caroline Meneghetti et Jean-Christophe Millois

Caroline Meneghetti et Jean-Christophe Millois, respectivement directrice et directeur pédagogique de l’École de la Librairie sont co-auteurs de La boîte à outils du libraire.

Caroline Meneghetti

Caroline Meneghetti est née en 1979 à Metz.
Titulaire d'un diplôme en Métiers du livre, option Librairie et d'un Master Économie-gestion (MAE).
Avant de diriger l'École de la librairie, elle a été libraire pendant 15 ans tout en assurant en parallèle des actions de formation dans le domaine pendant 12 ans. 

Jean-Christophe Millois

Jean-Christophe Millois est né en 1969 à Versailles.
Titulaire d’un Brevet professionnel de libraire et d’une Maîtrise de Lettres modernes.
Responsable pédagogique de l' École de la librairie, il a été libraire pendant 25 ans et formateur en parallèle pendant 20 ans.
Fondateur, en 1994, avec Lionel Destremau, de la revue de critique littéraire Prétexte, il participe, depuis 2002, à l'activité de Prétexte éditeur.
Également romancier, il est l'auteur de Les Beaux Jours (Éditions de l'Olivier) et de Sortie de boîte (J.-C. Lattès).

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A l'Ecole de la librairie, avec Caroline Meneghetti et Jean-Christophe Millois

Caroline Meneghetti et Jean-Christophe Millois, respectivement directrice et directeur pédagogique de l’École de la Librairie et co-auteurs de La boîte à outils du libraire, paru en août 2020, répondent à nos questions sur le métier qu'ils ont exercé et dont ils assurent avec passion la transmission. Leurs propos acquièrent une résonance particulière alors que la couverture médiatique sans précédent de la deuxième fermeture (prenant fin le 28 novembre 2020) a mis en avant la place - essentielle ? - de la librairie dans nos vies...

On n'a jamais autant parlé des librairies ! Est-ce une publicité inespérée pour ce commerce ? Quelle position adoptez-vous par rapport à la polémique relative à l'ouverture des librairies ?

Oui, depuis le premier confinement, et a fortiori lors de ce 2ème confinement, on parle beaucoup des librairies, et c’est tant mieux. Nous nous réjouissons également que cela permette un resserrement de la chaîne du livre dans son ensemble : les auteurs, les éditeurs, les diffuseurs/distributeurs et les libraires sont dans le même bateau. C’était déjà le cas bien sûr, mais on remarque là des prises de position très fortes d’acteurs de la chaîne : un comité du Goncourt qui décale sa remise de prix annuel, des éditeurs qui se refusent à vendre leurs livres sur une certaine plateforme, des auteurs qui sont prêts à payer les amendes de librairies, ou encore qui se réinventent pour dédicacer leurs ouvrages. C’est toute la chaîne qui est concernée!

 Pour l'instant, l’enseignement de l’École de la Librairie se fait en distanciel uniquement. Une hotline a-t-elle été mise en place pour aider des étudiants (ou enseignants et partenaires) en difficulté?

Oui, le distanciel est de mise en ce moment, et ce même quelques temps avant l’annonce officiel du confinement afin de protéger nos étudiants et nos formateurs. Les apprentis sont très suivis par leur tuteur et leur responsable de formation. Même si le contexte est compliqué, nous les accompagnons au mieux pour qu’ils poursuivent leurs enseignements et leur progression à distance. Nous savons que ce n’est pas simple, mais ils font preuve d’une belle opiniâtreté.

Quels seraient les « nouveaux outils » du libraire en temps de confinement ? Et quelle place l’École de la Librairie leur accorde-t-elle ?

Depuis un mois, les libraires croulent sous les commandes des clients, par mail, par téléphone, par messagerie instantanée et même sur leur téléphone personnel pour certain. Le plus dur pour eux en ce moment est probablement la gestion de ces demandes multi-canaux, et le traitement logistique qui en découle. Ce ne sont pas réellement des nouveaux outils, mais davantage de nouvelles organisations du travail qu’ils mettent en place. Il en est évidemment beaucoup question dans les cours, même si ce n’est pas l’objet central de nos enseignements.

 Parmi les « clients difficiles » identifiés dans le chapitre 17 de La boîte à outils du libraire, il y a aussi ceux qui ne respectent pas les gestes barrière. Comment (apprendre à) les « gérer »?

C’est une question très concrète que les formateurs abordent en séquence d’accueil client et de vente. Un sujet sensible, et qui le sera encore probablement pour plusieurs mois. Il est essentiel sur ce point que le positionnement de la gérante ou du gérant soit clair et transmis aux libraires, afin que ceux-ci puissent de positionner sereinement face aux clients. Rappeler à l’ordre le client est une difficulté en soi, mais c’est surtout la répétition qui peut devenir épuisante pour les libraires.

 Comment les aspects financiers liés à la création ou la reprise de librairie sont-ils intégrés à l’enseignement initial ? Y a-t-il des projets de groupe, des aides à projet pour les jeunes? Et, une fois diplômés, les employés de librairie peuvent-ils compter sur un accompagnement de la part de l’École ?

Les apprentis ont quelques cours sur la création ou la reprise de librairie en formation initiale, mais ce n’est pas la fonction première de nos formations initiales. Nous avons pour objectif de former d’excellents libraires, sans forcément qu’ils ou elles soient voués à devenir chefs d’entreprise. Ceci étant, nombreux anciens apprentis gardent contact avec l’école et reviennent nous voir au moment où ils se lancent dans l’aventure. Nous leur proposons alors un parcours de formation continue adapté à leur profil et à leur projet. Mais, qu’ils aient un projet de création/reprise ou pas, nous essayons de faire passer l’idée que la formation, c’est tout au long de sa vie, et non un diplôme une fois pour toute.

Parlez-nous de La Ruche. Quelles sont les spécificités de cette librairie-école, qui a ouvert en septembre et a dû fermer le 30 octobre ? Comment fonctionne-t-elle actuellement, en particulier dans la perspectives des achats de Noël ? 

En apparence, La Ruche est une librairie généraliste de quartier avec un fonctionnement tout à fait classique. Mais bien sûr, ce n’est pas tout à fait vrai. Cette librairie expérimentale se veut aussi être un terrain de jeu pour nos apprenants, qu’ils soient en formation initiale ou en formation continue. Au cours des deux premiers mois d’ouverture, se sont déroulés des cours de vente, de marchandisage ou encore des cours d’assortiment au sein de cette librairie-école, et nous sommes d’ailleurs assez frustrés que le confinement ait mis un coup d’arrêt à tout cela. Mais nous avons déjà plein d’idées pour la suite!
La librairie en elle-même a reçu un accueil formidable de la part des Maisonnais, qui continuent assidûment leurs achats à La Ruche depuis le début du confinement. La réouverture prochaine est malgré tout très attendue par tous, clients comme libraires. Les éditeurs ont redoublé d’efforts cette année pour nous permettre de proposer une multitude de beaux livres à nos clients. Nous avons préparé la librairie  lundi dernier, et elle est donc toute prête pour la réouverture de samedi, avec tables et vitrines de Noël qui font rêver.

 Avec toutes vos responsabilités et activités variées, vous sentez-vous encore pleinement « libraire » ?

JCM : J’ai travaillé pendant 25 ans en librairie, et je reste viscéralement attaché à ce métier qui est doté de multiples facettes. La responsabilité pédagogique de l’École en est une. Bien sûr, je suis aujourd’hui éloigné de la pratique quotidienne. Mais, pour les besoins de mon poste et aussi par goût, je continue de travailler ma veille médiatique et éditoriale au quotidien, je m’intéresse de près aux évolutions du secteur, aussi bien d’un point de vue théorique (gestion, données chiffrées) que sur le terrain (accompagnement de librairies, audit), sachant que la formation est un des maillons de la chaîne du livre qui permet d’être en contact permanent avec tous ses acteurs. Et surtout, et avant tout, je continue d’être un lecteur assidu !
CM : Je suis librairie dans l’âme, même si je suis bien sûr loin du terrain aujourd’hui. Je suis en librairie dès que je peux en tant que cliente, ou pour « jouer à la libraire » à La Ruche ou dans d’autres librairies. J’adore ce métier!

Et enfin, quelles raisons expliqueraient l’engouement pour ce métier passionnant et difficile ?

Libraire est un métier qui fait rêver beaucoup de gens, depuis longtemps. Mais il est clair que la période que nous vivons aujourd’hui et la recherche de sens qui préoccupent nos sociétés déclenchent un intérêt encore plus vif pour ce métier. On sent et on perçoit une envie de plus de contenu, plus d’épaisseur, plus d’échanges, plus d’humain chez les personnes qui viennent à notre rencontre aujourd’hui.

Caroline Meneghetti, Jean-Christophe Millois, nous vous remercions très chaleureusement de nous avoir consacré du temps en cette période très chargée et vous souhaitons le meilleur pour la réouverture de La Ruche et la reprise des enseignements en présentiel en 2021 !

Propos recueillis par Anne-Bérangère Rothenburger et Hélène Séveyrat, Bibliothèque de l'Arsenal, 27/11/2020.