Aller au contenu principal

Portail Métiers du livre

Le site de ressources et d'information de la BnF sur les métiers du livre

Les Conversations de l'Arsenal #2 (Anaïde Fleig / Reliure)

Anaïde Fleig

2019 : Maître de stage  - Élève de l'école Estienne   -   Montreuil   93

2018  :  Enseignante DNMADE Textile option Broderie   -   Nogent-sur-Marne   94

2018  :  Jury DMA Broderie   -    Nogent-sur-Marne  94

2016/19 : Broderie pour la Haute Couture - Paris 75

2016 : Jury pour le prix Jeune reliure de création  - ARA France  -   Paris   75

2014/16 : Coordinatrice projet « Brodure »   -   École Estienne   75   -   École La Source   94

2014 : 1ER Prix ARA France de la jeune reliure catégorie DMA2  -  Paris   75

2014 : Lauréate du concours Arts et Cités - INMA  -   Paris   75

2014 : DMA Reliure/Dorure - Ecole Estienne - Mention Excellent, félicitations  -   PARIS   75

2012 : DMA Textile option broderie - La Source - Mention TB -  Nogent-sur-Marne   94

2010 : Bac STI option Arts Appliqués - René Descartes - Mention TB  -   Cournon   63

 

 

 

 


45 rue Danton 93100 Montreuil
afleig@orange.fr

https://www.anaidefleig.com

Vocabulaire

Endossure : Étape qui suit la couture et l’encollage des fonds des cahiers. On commence par « arrondir » le dos qui est droit à l’aide d’un marteau, puis l’on vient façonner les mors du livre, toujours au marteau, en le plaçant dans un étau à endosser. L’endossure permet donc d’obtenir un dos arrondit et des mors.

Mors : charnière entre le dos et les plats.

Tie & Dye : Coloration du textile de manière artisanale par nouage puis trempage dans un ou plusieurs bain(s) colorés.

Teinture naturelle : Procédé de coloration et de fixation d’une couleur sur un textile naturel à l’aide de plantes dites « tinctoriales ». On retrouve le pouvoir tinctorial de certaines plantes dans les fleurs, feuilles, fruits lorsque pour d’autres, on utilisera les racines, branches ou encore l’écorce.

Sorgho : Plante céréalière africaine. Obtention d’une couleur rouge avec un mordançage à l’alun.

Mordançage : Étape précédant ou suivant le bain de teinture du tissu. Le mordançage permet d’apprêter le tissu : il va permettre à la couleur de se fixer sur la fibre et de révéler une des couleurs de la plante tinctoriale utilisée. Il s’agit d’un bain contenant des sels métalliques, appelés mordants. Chaque mordant permet de révéler différents types ou valeurs de couleur. Par exemple le sulfate de fer révèle les couleurs foncées / sombres, tandis que l’alun révèle les couleurs vives d’une plante.

Anaïde Fleig, une relieure aux talents multiples

Parmi les métiers du livre à l’honneur, place à la reliure, qui sera ici confrontée à une autre forme d’artisanat d’art, la broderie. Découvrons le travail d’Anaïde Fleig, dont quelques réalisations seront montrées à la bibliothèque de l’Arsenal en complément du cycle d’histoire du livre « Matières premières », du 20 janvier au 9 mars 2020.

Chère Anaïde Fleig, merci d’avoir accepté le principe de cette Conversation qui donnera un avant-goût de votre créativité aux fidèles de notre cycle d’histoire du livre. Pouvez-vous retracer rapidement votre parcours professionnel ?

C’est une amie proche de ma famille qui m’a appris à broder lorsque j’avais 4 ans. J’ai également des souvenirs de rencontres qui ont nourri mon appétence pour le textile : des ateliers tricot avec les grand-mères de mon village, de la peinture sur soie en activité extra-scolaire, de la teinture naturelle sur des salons médiévaux, de la dentelle au fuseau en compagnie des dentelières du Puy, des initiations au tissage et au crochet lors de voyages… Je me suis orientée vers les arts appliqués qui m’ont permis de découvrir les différents métiers d’art et acquérir les principes de création alliant « la forme et la fonction ». Mon attrait pour le textile s’est trouvé renforcé et plus particulièrement pour la broderie, qui requiert patience, sens du détail et minutie. J’ai intégré un Diplôme de Métier d’art Textile option Broderie au Lycée La Source à Nogent sur Marne en 2010. J’ai pris le parti, au cours de ma formation, de travailler exclusivement sur et avec des matériaux naturels : lin, chanvre, coton, raphia, ortie… C’est la découverte des possibilités créatives et des qualités techniques de ces fibres qui m’a poussée à me tourner vers un second métier d’art, celui de relieur, qui utilise d’autres matériaux tels que le papier, le cuir, le parchemin…. Mes projets m’ont toujours poussée à penser des principes et des systèmes de présentation, de rangement, de classement, d’ouverture et de fermeture. C’est cet automatisme dans mon processus créatif qui m’a également conduite vers Le DMA Reliure / Dorure de l’École Estienne en 2012. Naturellement, j’ai choisi d’allier et valoriser ces deux domaines de concert !

Vous avez également le goût de la transmission qui se manifeste par votre activité d’enseignement. Comment est-ce que cela aiguise votre créativité ?

Ma première réelle expérience dans l’enseignement remonte au projet « Brodure », insufflé par ma professeure de reliure, Odile Douet. J’ai coordonné la création et la mise en place de celui-ci sur deux années (2014/2016) en rassemblant mes deux anciennes écoles : l'École Estienne et le lycée La Source. L'initiative de cette collaboration a été d'encourager l'échange et la mise en commun de savoir-faire par la formation de binômes : un élève relieur et un élève textile, dans l'optique de créer des reliures textiles. Cela a été une superbe expérience qui m’a permis de prendre  conscience de l’importance de créer du dialogue entre les métiers d’art et d’entrevoir le potentiel, la diversité et la richesse de création de la reliure textile. J’enseigne depuis la rentrée de septembre 2018 pour le nouveau diplôme Intitulé DNMADE (Diplôme National des Métiers d’Art et du Design), remplaçant anciennement le DMA, en broderie au lycée La Source. Enseigner est à la fois une remise en question permanente de mon savoir-faire et une façon constructive de consolider mes acquis. Transmettre me demande une exactitude et une précision qui me pousse à enrichir et à élargir mes connaissances. Cela est pour moi, une très belle façon d’exercer mon métier d’artisan d’art car chaque élève de par sa personnalité, m’invite à trouver de nouvelles astuces pour transmettre et créer.

Vous comptez certainement parmi les plus jeunes membres du jury du prix de la jeune reliure délivré par l’ARA France à l’École Estienne. Qu’avez-vous retiré de cette expérience ?

Ce prix a pour but d’encourager les nouvelles générations de relieurs dans la reliure de création. Il faut réussir à juger la qualité d’exécution, la créativité et l’innovation des reliures présentées. Prendre part à ce jugement est un exercice périlleux lorsque l’on a soi-même peu d’années d’expérience en tant qu’artisan d’art installé dans le milieu ! Cela demande de savoir aiguiser son regard sur une qualité d’exécution de définir et défendre clairement les différents critères  sur lesquels repose notre exigence. Cette expérience m’a permis de prendre du recul sur mon propre parcours en DMA reliure et sur le long chemin qu’il reste encore à parcourir pour acquérir d’autres techniques et savoir-faire liés au métier de la reliure ! L’invitation de Christian Frégé est une marque de confiance dont je lui suis très reconnaissante.

Il faut en effet ajouter que c’est par votre participation aux travaux à l’École Estienne recueillis à la bibliothèque de l’Arsenal et consultables en salle de lecture que j’ai pris connaissance de vos travaux. Une recherche à votre nom dans le catalogue général signale en outre deux catalogues d’exposition en libre accès dans notre Centre de ressources Métiers du livre. Quel est l’intérêt supplémentaire de présenter directement des éléments d’archives et une reliure achevée avec son étui en vitrine ?

Le choix effectué pour la composition de la vitrine pour le cycle d’histoire du livre repose sur une volonté de montrer les différentes étapes et composantes de mon processus de création d’une reliure à décor.  Dans ma pratique de la reliure, qui s’inscrit dans le courant de la reliure dite « alternative », c’est à dire qui encourage le renouvellement et la modernisation des procédés techniques, des matériaux, des principes d'utilisation et de mise en espace de «l’objet livre »", c’est une véritable opportunité de pouvoir présenter de manière tangible ce qui est mis en jeu lors de la conception d’une reliure. C’est une façon de rendre visible le travail de recherche réalisé en fonction de la solution choisie en amont, qui prend essentiellement la forme de croquis, maquettes et échantillons permettant de mieux comprendre l’intervention du textile, les interrogations qu’il soulève, les possibilités qu’il apporte, ses textures, son volume !…

La petite sélection que mes collègues et moi avons établie dans votre atelier met en valeur la place de la broderie et plus généralement du textile dans vos reliures. Pourriez-vous nous parler d’une reliure que nous n’avons pas pu retenir et qui présente un intérêt particulier pour vous ?

Je pense à la reliure de création réalisée en 2018 sur le livre À la belle étoile de Joseph Delteil et eaux-fortes d’Antral, commandée par la bibliothèque de Montpellier Méditerranée Métropole. Même si celle-ci fera partie de ma présentation lors de la conférence, je choisis de la mentionner car contrairement à d’autres, je n’ai jamais réellement pu la présenter, celle-ci ayant tout de suite rejoint les  collections de la bibliothèque. Pour cette reliure je me suis penchée sur le principe de l’onglet piqué. L’onglet est l’élément qui vient remplacer le fond des cahiers lors de l’endossure afin de les préserver et permet également une bonne ouverture du livre. Il s’agit généralement d’un papier replié sur lui-même de façon qu’il ait la même épaisseur que le cahier sur lequel il sera cousu. J’ai cherché à remplacer le papier par le textile et à créer ainsi une continuité entre mon décor extérieur et l’intérieur de l’ouvrage. Toujours à la recherche de nouvelles structures, je me suis détachée de l’endossure traditionnelle et ai pris le parti de créer un dos composé d’onglets. Les cahiers sont ainsi montés sur un double onglet textile, le premier faisant office d’onglet traditionnel et le second de dos. Le tissu utilisé pour cette reliure est un crêpe de chine en soie d’aspect ondulé et satiné, résistant et de bonne tenue. Le travail coloré du textile est une recherche autour de la teinture naturelle au sorgho sur le principe du « tie & dye ». J’ai créé des variations de motifs et de saturation de la couleur en testant différents temps de trempage ainsi que le nombre de passages de fils lors de la ligature du tissu. La broderie au point avant vient ici souligner tout le travail de teinture en réserve et le défi qu’a représenté la conception d’onglets en textile.

Enfin, avez-vous des projets en cours dont vous souhaitez nous faire part ?

L’Atelier d’Arts Appliqués du Vésinet, AAAV, école formant des professionnels ou amateurs, en cours réguliers ou en stages liés aux métiers du livre, m’a proposé d’animer un stage de reliure brodée, le temps d’un week-end, en mars 2020. Ce sera ma première expérience de transmission d’une technique et d’une structure rattachée à la broderie et cette sollicitation, tout comme la vôtre pour ce cycle de conférences, m’encourage à poursuivre ma démarche de relieure brodeuse. Je prépare également le Salon du livre rare et de l’objet qui se tiendra du 24 au 26 avril 2020 au Grand Palais, salon au cours duquel j’espère présenter deux nouvelles reliures de création sur le stand de l’association ARA France !

Un grand merci, Anaïde Fleig pour cette mise en bouche. Nous nous réjouissons de vous retrouver prochainement, avec vos réalisations, pour la séance du lundi 2 mars 2020 !
Propos recueillis par Anne-Bérangère Rothenburger, Bibliothèque de l'Arsenal, 30/01/2020

Anaïde Fleig : Reliure & Brodure