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Comment se fabrique le patrimoine ?
À la BnF
Françoise Choay. Le patrimoine en questions. Paris : Ed. du Seuil, 2009
Pourquoi le patrimoine historique, architectural et urbain a- t-il conquis aujourd'hui un public planétaire ? Pourquoi sa connaissance, sa conservation et sa restauration sont-elles devenues un enjeu pour les États du monde entier ? Ni sa valeur pour le savoir et pour l'art, ni son rôle attractif dans nos sociétés de loisirs ne constituent des explications suffisantes. La recherche d'une réponse, qui engage plus profondément la nature de cet héritage dans son rapport avec l'histoire, la mémoire et le temps, passe, pour Françoise Choay, par une remontée aux origines, une archéologie des notions de monument et de patrimoine historiques. Cette investigation, poursuivie sur plus de cinq siècles, éclaire le culte actuel du patrimoine, ses excès, découvre ses liens profonds avec la crise de l'architecture et des villes. Ainsi, précieux et précaire, notre héritage architectural et urbain apparaît allégoriquement dans un double rôle: miroir dont la contemplation narcissique apaise nos angoisses, labyrinthe dont le parcours pourrait nous réconcilier avec ce propre de l'homme, aujourd'hui menacé: la compétence d'édifier.
Jadis, on comptait sept merveilles du monde. Aujourd'hui, l'Unesco en recense des milliers. D'où vient un tel essor ? On s'est longtemps fait une idée assez claire des objets à conserver. Puis l'idéologie du tout-mémoire s'est ajoutée aux possibilités virtuelles d'une conservation intégrale pour faire du patrimoine ce que Pierre Nora a appelé «un problème global de société et de civilisation». L'Inventaire général des monuments et des richesses artistiques de la France, créé à l'initiative d'André Malraux et d'André Chastel en 1964, a vécu quarante ans. En 2004, l'État en a confié la charge à ses vingt-six régions. Il a été rebaptisé pour l'occasion Inventaire général du patrimoine culturel. Derrière le changement de nom, une véritable métamorphose s'est opérée. À cette date, avaient été enregistrés, outre 8 000 statues de la Vierge Marie et plusieurs milliers de maisons, de manoirs et de chapelles, 500 hôpitaux, 400 aéroports, 180 phares, 7 raffineries de pétrole et 4 centrales nucléaires, sans compter 40 000 monuments «classés». Depuis lors, l'inflation des objets retenus n'a pas cessé. (...)
L'étude du patrimoine industriel est née, dans le courant du 20e siècle, comme une «archéologie» ayant comme objectifs premiers la mise en place de l'inventaire et la sauvegarde matérielle ou documentaire du patrimoine bâti et technologique. Cette vocation de sauvegarde des friches industrielles et des machines n'a cessé d'évoluer vers une approche de plus en plus intégrale des paysages, des cadres de vie, des objets, du patrimoine iconographique, et même de l'imaginaire des sociétés industrielles. Cette perspective est nécessairement liée à l'histoire économique, qui explique comment sont produits les éléments considérés maintenant comme un héritage. Le Languedoc Roussillon, au riche passé industriel, dispose sans aucun doute possible d'un patrimoine industriel et technique qui mérite d'être mieux connu. (...) Cet ouvrage se propose de faire le point sur quelques éléments d'histoire de la société industrielle, mais aussi sur des stratégies de conservation et de mise en valeur (muséographie et tourisme industriel). Il aborde les paysages de la société industrielle et évoque quelques projets de valorisation de ce patrimoine dans la région.
Succès des fêtes de la transhumance, faveur toujours plus vive pour les parcs naturels régionaux ou engouement pour les produits de terroir nous ouvrent à une interrogation de fond : que signifie l'investissement actuel pour une campagne chargée de réassurer nos identités ? Étant de plus en plus nombreux à être citadins, ne s'agirait-il donc là que d'une nostalgie ? Mais, les auteurs (ethnologues, géographes et sociologues) montrent ici qu’il ne s'agit pas seulement pour les ruraux de témoigner des valeurs qui les ont fait tenir ; il s'agit aussi, pour une société tout entière (anciens et nouveaux habitants), de se réapproprier un bien commun à partir de projets tournés vers l'avenir.
Alain Schnapp. La conquête du passé : aux origines de l'archéologie. Paris : librairie générale française, 1998
Ce livre est une tentative d'archéologie de l'archéologie, une enquête sur le savoir de ceux qu'on appelle depuis l'Antiquité romaine les antiquaires. Contrairement à une idée répandue, l'archéologie entendue comme l'étude des vestiges du passé n'est pas une invention de la Renaissance. Elle était déjà familière aux scribes d'Assyrie, d'Egypte ou de Chine, elle était discutée par les sophistes d'Ionie, et mise en pratique par les historiens de Rome. Qu'il y ait eu des hommes avant Adam, voilà la révélation scandaleuse du XIXème siècle. Pourquoi cette antiquité de l'homme, connue des Assyriens, des Egyptiens et des Perses, a-t-elle été mise à l'écart par la révélation biblique ? En suivant une piste qui part d'Hésiode et de Lucrèce, à travers la tradition judéo-arabe et Giordano Bruno, pour arriver au génial et méconnu Isaac Lapeyrère, la petite musique des préadamites nous découvre un pan des mystères de l'histoire naturelle et si décriée de l'homme. Cette histoire n'est pas une succession harmonieuse de progrès, mais la redécouverte et l'interprétation, souvent erratique, d'observations dont la mémoire s'était perdue.
Dominique Poulot. Une histoire du patrimoine en Occident, XVIIIe - XXIe siècle : du monument aux valeurs. Paris : Presses universitaires de France, 2006
Le patrimoine n'a jamais été aussi populaire de par le monde que depuis une génération. Mais s'il veut témoigner de l'authenticité de monuments et de souvenirs, son succès s'alimente surtout, pour ses critiques, de traditions inventées ou d'un présentisme des valeurs. Il paraît alors se confondre avec une pensée de l'air du temps, sinon avec un produit de consommation. Ce livre entend, au contraire, lui rendre justice en montrant combien la raison patrimoniale, inscrite dans une longue durée de la réflexion occidentale, importe à notre intelligence des formes du passé. Son véritable enjeu tient à la capacité de nourrir un ensemble de représentations à la fois utopiques et conservatrices, nées de la conviction d'un développement de l'art dans l'histoire.
Le Laboratoire d'Excellence Création, Arts et Patrimoine (LABEX - CAP)
"Economie et Patrimonialisation, les appropriations de l'immatériel", Thierry Linck, revue en ligne Développement durable et territoires
In situ, revue des patrimoines
Liste du patrimoine mondial, site de l'UNESCO
Memoire de l'éphémère, Echos de la BnF