Dossier réalisé en 2012
Chômage, travail précaire, choc de compétitivité, souffrance au travail, retraites, racisme anti-entreprise, discrimination à l’embauche, emplois d’avenir : autant de thèmes qui hantent sans répit notre actualité de crise. Le travail, réduit souvent au seul « emploi », ses mutations ou son absence se trouvent au centre des préoccupations quotidiennes des Français. Comment le travail est-il venu à prendre autant d’importance dans notre société ? Longtemps méprisé par les philosophes au profit de la contemplation, la plus haute activité pouvant exprimer l’essence de l’homme, le travail est le fondement des sociétés laborieuses à partir du XVIIIe siècle. De supplice, peine, effort, il devient facteur de progrès. Le travail représente désormais l’homme qui transforme la nature et se réalise lui-même à travers ses productions, non sans contradiction car le travail comme libération reste un idéal à atteindre sans cesse démenti par la réalité économique du travail aliéné. Masquées un moment par le mythe de la « fin du travail », à la mode dans les années 90, les problématiques du travail connaissent aujourd’hui une nouvelle centralité dans le débat public.
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Le travail humain est synonyme de liberté créatrice, c’est ce qui distingue l’homme de l’animal. Mais cette potentialité libératrice est entravée par les conditions de production réelles qui permettent aux capitalistes de s’approprier les valeurs produites par les travailleurs. Seul un ordre social plus juste permettra son exercice complet.
La division du travail a un rôle positif car elle rend les individus complémentaires et les oblige à participer à une œuvre commune, la solidarité organique de la société. Elle engendre ainsi du lien social. Le travail est facteur de cohésion sociale comme la famille, l’école et la religion.
Dans le récit de ses expériences de la vie d’usine, Simone Weil recherche les conditions d’un travail non asservissant, car « toute la société doit être constituée d’abord de telle manière que le travail ne tire pas vers en bas ceux qui l’exécutent. »
Le capitalisme est fondé sur une éthique du travail issue de la Réforme protestante qui valorise l’enrichissement et la réussite professionnelle comme des comportements agréables à Dieu. Le travail sans relâche en ce bas monde, l’accomplissement de son rôle dans la société sont une obligation morale pour le croyant en quête d’élection divine.
Le taylorisme – organisation scientifique du travail fondée sur la spécialisation des tâches afin d’augmenter la productivité – conduit à un désinvestissement du travail de la part de ceux qui le réalisent et favorise la désunion sociale.
Activité socialisatrice, le travail est un facteur de construction de l’identité des individus, sous plusieurs formes : l’appartenance à une culture d’entreprise, le sentiment de participer à la création d’une œuvre collective, l’identification à des destins individuels exemplaires, la solidarité dans la résistance face au patronat.
Le travail recule, à la fois comme valeur d’intégration sociale et comme impératif économique : « la société du travail est caduque ». Contre l’idéologie productiviste d’un travail hétéronome, déterminé par les besoins de la société et s’effectuant contre de l’argent, le travail autonome est épanouissant pour les individus et se déroule hors de la sphère de la nécessité.
Jeremy Rifkin - Paris : Éd. la Découverte, 1996
La fin du travail, c’est la fin d’un ordre social fondé sur le travail salarié. Dans les sociétés post-industrielles touchées par la révolution scientifique et technique, les services ne peuvent plus absorber la main d’œuvre rejetée sur le marché du travail. La solution réside dans la sortie du productivisme, la réduction du temps de travail, la création d’un « tiers secteur » solidaire et non marchand.
L’idée que le travail est constitutif du lien social ne va pas de soi, elle peut être historiquement circonscrite à une époque particulière. Les sociétés dont le travail est la valeur centrale sont tributaires d’une vision économiste qui assigne les individus à la seule sphère productive et marchande. Il faut « désenchanter le travail », permettre aux individus d’accéder à d’autres voies de réalisation de soi dans les sphères culturelle, familiale, politique.
La société du travail n’est pas finie et ne connaît pas d’alternative. Mais le lien salarial est en crise. Le tissu de droits, garanties et protections construit durant les XIXe et XXe siècles, s’il n’éloigne pas définitivement le spectre du travail aliéné, contribue à consolider l’intégration et la citoyenneté. Son effritement dépossède les individus précarisés du sentiment de leur utilité sociale et les expose au risque de la « désaffiliation ».
Le monde du travail post-fordiste est marqué par l’insécurité de l’emploi et l’insatisfaction au travail. Contrairement à « l’ouvrier de l’abondance » des Trente Glorieuses, le salarié de la précarité est confronté à des difficultés majeures dans son intégration professionnelle. Sa vie familiale, sa participation politique et son identité au sein de l’entreprise s’en ressentent fortement.
La tradition antique qui voit dans le travail un asservissement à la nécessité, ravalant l’homme à ses besoins vitaux et dont il faut se libérer pour pouvoir s’adonner à la philosophie et à la vie publique, est ici réactivée. Mais, contrairement à Marx, Hannah Arendt ne pense pas que le progrès technique soit un moyen pour y parvenir. L’action publique ne peut être le fait ni de l’animal laborans ni de l’homo faber.
Au milieu des années 70, on assiste au passage d’un capitalisme bureaucratique et hiérarchique à un capitalisme renouvelé grâce à la récupération de la « critique artiste » issue de Mai 68, au détriment d’une critique sociale davantage axée sur la dénonciation de l’exploitation. Le salarié vise ainsi à maximiser son « employabilité » dans une organisation du travail devenue réticulaire, qui met l’accent sur la flexibilité, la mobilité, la créativité, l’initiative, l’adaptabilité dans un monde connexionniste.
Ministère du Travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social
INSEE – Thème "Travail, emploi"
Organisation Internationale du Travail
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Archives nationales du monde du travail
Collectif des centres de documentation en histoire ouvrière et sociale (CODHOS)
Vie publique – Thème "Emploi, travail, formation professionnelle"
Dossier spécial "Le travail sans fin ?" de la revue Cités
Dossier special "Critique du travail" de la revue Variations
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Blog Et voilà le travail sur Rue 89
Blog Le travail en question sur Mediapart
Metis - Correspondances européennes du travail
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Le travail : bibliographie sélective BnF - département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 2010